Une mise à jour (* * *)

La « sécurité »: ce mot s’entend sur toutes les lèvres des professionnels de l’industrie. Avec raison, nous les pilotes le savons mieux que quiconque: nous sommes la dernière ligne de défense quand tout le système qui nous entoure est passé par les notoires trous du modèle fromager de James Reason. Nous n’avons qu’à bien nous tenir! Il faut reconnaître que nous travaillons avec diligence depuis 1903 à continuellement et concrètement améliorer cette sécurité aérienne.
Nos passagers s’attendent à rien de moins que le summum d’effort soit déployer pour soutenir cette sécurité, parfaitement exigible.
Outre la profession de pilotage, qu’en est-il de cette partie « qui nous entoure » justement? Les techniques modernes de SMS requièrent la participation de tous les organismes afférents de l’industrie. Que ce soit, les transporteurs, les organismes d’entretien mécaniques les fabricants et même les régulateurs (Transports Canada, FAA).
La sécurité aérienne dépend de beaucoup plus
Sur le sujet de SMS et des organismes afférents, récemment, Transports Canada a publié en grande pompe, une mise à jour longuement attendue du Règlement de l’Air Canadien (RAC) pour traiter de la fatigue des membres d’équipage. Les détails de cette loi, ont été démontrés comme insuffisants et ne rencontrent qu’en partie la réalité scientifique.
Si ce n’était pas suffisant, en furetant le site du TSB nous pouvons y noter que deux éléments ont fait le palmarès de la liste de surveillance 2018 du TSB: Le risque de collision sur piste et les sorties en bout de piste.
Ce dernier élément est déconcertant à constater, surtout après l’accident d’AF 358 à CYYZ en 2005, 13 ans après le fait. Rappelons qu’un A-340 est sorti en bout de piste causant la destruction de l’aéronef et fort heureusement sans perte de vie. Une reconnaissance particulière fut soulevée soulevée pour l’excellent travail du personnel de cabine au cours de l’évacuation et à toute l’équipe de sauvetage (CFR-Crash Fire Rescue).

Le rapport du TSB était très complet comme d’habitude. Une des recommandation de 2005 était de voir à la mise au niveau au standard mondial de l’OACI des surfaces d’arrêt outre seuil de piste mieux connues sous RESA (Runway End surface Area). La 24D de CYYZ n’offrait absolument aucune surface digne de ce nom. Par contre la piste était conforme aux exigences de TC. L’OACI recommandait et c’est toujours le cas, 300 mètres de RESA ou bien d’installer des surfaces d’arrêt modernes. Suite à l’accident, TC s’en est tenue qu’à modifier son exigence à 150 mètres.
Pourquoi ne pas se conformer au standard international de sécurité?
Soit qu’il manque cruellement d’espace à CYYZ comme c’est le cas dans une multitudes d’aéroports mondiaux, entre autres pour justement permettre d’établir ces 300 mètres. L’autre possibilité serait une vision fort subjective de la sécurité des passagers et les membres d’équipages. Il existe depuis très longtemps une technologie qui permet d’arrêter les gros porteurs en toute sécurité. Cette technologie connue sous le nom d’EMAS (Engineered Material Arresting System) est installée sur plus de 63 aéroports et plus de 100 pistes aux USA. Pensez seulement à New-York, La Guardia!

L’incident récent (6 décembre 2018) d’un B-737 à Burbank (KBUR) crève les yeux. La preuve que l’EMAS installé en bout de piste fut indispensable pour arrêter l’aéronef sans blessure et avec un minimum de dégâts.
La protection offerte par de pareils systèmes démontre à quel point certaines autorités aéroportuaires ont le soucis réel et appliqué de sécurité. Les fonds y sont attribués sans questions existentielles corporatives. Tel n’est pas le cas au Canada. À la décharge des autorités aéroportuaires, il faut quand même admettre que « l’expérience passager » dans la transition des aérogares est bien agrémentée par de jolies oeuvres d’art lumineuses, des fresques peintes à l’aérosol et par des boutiques d’un chic.
Frais d’atterrissages dispendieux
Il faut également observer que CYYZ s’est classée encore en 2018 selon le Globe and Mail comme l’aéroport le plus dispendieux sur lequel se poser bien en avant des LAX, CDG, FRA et JFK de ce monde.
Comment se fait-il qu’après plus de 13 ans de l’accident de Toronto, le TSB soit encore aux barricades administratives pour « recommander » le gros bon sens en matière de sécurité de bout de piste? Et l’OACI de renchérir avec une conférence mondiale en mars 2019 à Montréal sur le sujet de la sécurité des pistes. Transports Canada et les autorités aéroportuaires doivent sans faute travailler ouvertement à éliminer un de ces trous dans la tranche de fromage de Reason plutôt que de nous présenter de beaux discours plein d’optimisme sur la sécurité.
Le 7 novembre 2018, un B-747 vide est passé en bout de piste 14 à CYHZ. Quatre membres d’équipage ont été blessés. L’avion a été déclarée comme perte totale. Le BST enquête sur l’accident. L’éventuel rapport mentionnera certainement des détails très révélateurs et complets. Je suis prêt à parier que l’absence d’EMAS à CYHZ sera mentionnée.