Quelle sensation excitante: vous décidez de vous doter d’un avion, votre propre avion. De ce côté du clavier, je vous assure qu’il n’existe pas meilleure pensée que d’être propriétaire de son propre zinc.
Plus besoin de louer à des heures spécifiques seulement pour être annulé à cause de la météo. Quand cette dernière s’éclaircit, pas besoin d’attendre en ligne votre tour alors que le client précédent est en retard. Être propriétaire apporte aussi d’excellents bénéfices si vous décidez de démarrer une carrière et monter vos heures avant de vous lancer dans l’industrie. Si la chose est possible, l’investissement en vaut l’effort.
Pour aller de A à B: en avion. Si vous me demandez où est B, le plus loin possible. C’est tellement plus intéressant. Personnellement, je ne m’endure pas du tout à être écrasé dans le fond d’une bagnole pendant 5 heures à regarder bêtement un paysage monotone déferler dans le pare-brise, à vitesse testudine. Les paysages qui sont parfois intéressants mais généralement d’une monotonie accablante. Sans contre-dit Antoine de St-Exupéry ou Richard Bach soutiendraient votre aventureuse acquisition.
Le processus pour devenir propriétaire, si accompli de la bonne façon, contribuera à remettre une certaine sobriété en place. Je mets de l’emphase sur accompli de la bonne façon. On peut trop facilement bâcler l’opération en coupant les coins. Mais si vous désirez transformer le rêve en réalité agréable et la faire fonctionner (emphase sur fonctionner),du travail et des efforts seront requis pour résoudre de nombreuses questions qui doivent être froidement évaluées. Quand on en vient aux avions, nous les pilotes, avons tendance à ne pas être si froids.
Pourquoi un avion?
Si l’intention est de faire le plus d’heures de vol possibles dans l’année sans en dépasser 10 ou 15, il y a problème. En fait aux États-Unis, la moyenne annuelle d’heures volées est inférieure à 40 pour un pilote privé; soit environ 3,3 heures par mois ou moins. À une vitesse de 120 kts, ceci représente 370 nm pour un aller-retour par mois ou pour les téméraires, 740 nm aux deux mois. Avec cette contrainte en tête, la définition d’anticipation pour le prochain vol devient assez claire. Comme nous verrons, en posant les chiffres sur la feuille de calcul, il y a de bonnes chances que de louer pour voler soit plus économique par heure de vol. Effectivement, il est assez frustrant de toujours se faire imposer un vol de contrôle avec instructeur pour les fins d’assurances puisque vous ne volez pas si souvent. Franchement, nous savons tous comment décoller et atterrir, non? Il y a une bonne raison pour ce vol. Selon le RAC (Règlements de l’Air Canadien), disons que vous volez 30 heures par année, vous êtes légal pour voler. Les mathématiques sont différentes. Les compagnies d’assurance sont expertes en mathématiques et elles savent que le RAC en matière de mise à jour des connaissances et des compétences est largement insuffisant pour maintenir un carnet sans accident.
Bien entendu que vous n’aurez pas besoin de « check » si vous allez voler une heure aux deux semaines. Mais selon ce que nous observons dans l’industrie: vous ne reviendrez plus après quelques mois faute de monotonie.
Pour en revenir au vol de contrôle, finalement, vous n’en faites pas de cas car vous appréciez l’embauche d’un instructeur pour vous rafraichir à chaque année.
Un vieux dicton revient toujours dans les conversations de hangars (sites de réparations entre-autres): « Les pilotes qui se mettent dans la misère sont souvent de pauvres fermiers ou de riches médecins ». Pas assez d’argent pour voler, pas assez de temps pour voler.
Quel type?
Répondre à cette question est plaisant. Neuf ou usagé? Il n’y a rien comme voler un avion neuf, point final. Pas de problèmes récurrents, la modernité et l’ingénierie de pointe ont passablement réglé tous les faux plis des années sur ces superbes modèles « flambettes ». On vous offre même un service après vente parfois à des gigamiles de votre base opérationnelle mais là, c’est une autre histoire.
Outre les perfos attractives, on aboutit avec de l’avionique moderne, un ou des moteurs à 0 heure, pas de bruyantes fuites d’air et un look vraiment canon. Perso, je ne voudrais jamais être vu à bord d’une machine moche ou poisseuse. « S’il a bonne mine, il volera bien ». (William « Bill » Lear).
Bien entendu, nous ne sommes pas tous enclins à acquérir un avion neuf. Il existe un marché plutôt bien en santé pour les avions d’occasion et c’est là que les affaires deviennent excitantes comme nous verrons sur une prochaine rubrique.
Il n’existe pas vraiment de type ou de modèle qui puisse parfaitement rejoindre vos aspirations. Au mieux, un aéronef est un compromis en matière de performances pour rencontrer la qualité d’une enveloppe de vol quelconque (ingénierie) ou bien d’une enveloppe budgétaire (propriété/opération). Par budget, je ne fais pas référence qu’au capital d’achat mais également à l’entretien à part égale. Vous voulez entretenir l’avion, n’est-ce pas? On reviendra là-dessus aussi!
Si vos intentions sont de voler aux alentours des champs par beau samedi ensoleillé, pourquoi rechercher de la haute performance, de la vitesse ou de l’endurance? Pourquoi s’enliser dans de l’avionique dispendieux? Sur ce sujet pourquoi ne pas envisager les trains conventionnels, ils sont tellement plaisants à voler. Parlant des champs, vous pourrez y accéder sans trop de difficulté. Génial pour un pique-nique.
Soyons tout de même réalistes. Une bonne formation sera requise si vous ne disposez pas d’expérience antérieure. Les écoles/clubs de pilotage offrent très rarement ces types d’appareils. L’expérience a démontré que les pilotes ont tendance à les plier. Que ce soit un train conventionnel ou tout autre type, hydravions inclus, on doit être pragmatique quant à la capacité opérationnelle de l’interface entre le siège et les commandes de vol.
Sur le sujet de voler autour des champs et certainement des centaines de kilomètres bien au-delà, les planeurs offrent un immense plaisir trop peu connu.
Voler « dans le coin » ne représente pas vraiment du transport comme tel. Le même principe s’applique au vol à voile, la technique de voler longtemps en planeur. Le vol à voile apporte en supplément, le bénéfice de devenir meilleur pilote. Entre autres, le commandant Chesley Sullenberger, l’astronaute Neil Armstrong et le pilote de chasse le plus prolifique Erich Hartmann sont/étaient tous brevetés planeur.
Lors de la réflexion, un autre élément à considérer est de chercher soit dans les classes certifiées, non-certifiées (construction amateur) ou dé-certifiées comme nous verrons bientôt.
Finalement être propriétaire de son propre avion pour aller quelque part d’éloigné est pour plusieurs une priorité. Il est tout simplement grandiose de se rendre où aucune ligne aérienne se posera. Que ce soit d’explorer votre VNC (carte de navigation VFR) locale ou de vous rendre vers une lointaine communauté, rien n’égale de le faire à bord de son propre appareil. Une fois rendu à ce point dans votre réflexion, il ne s’agit que de choisir le type qui apportera l’efficacité désirée.
Avec qui?
Finalement, y allez-vous solo ou avec des partenaires? Voilà bien une question majeure qui n’est pas si facile à évaluer. On veut toujours réduire les coûts et les partager est une option envisageable. Cette dernière permet à votre appareil de voler un minimum d’heures « respectables » pour lui permettre de maintenir une bonne forme mécanique. Un aéronef qui gît sur le tablier et n’ajoute que 30 heures par année au carnet technique coûte certainement une « beurrée » en entretien par heure de vol à l’instar d’un zinc qui vole tout le temps. Dans la même veine, cela ne résout pas le problème similaire du pilote comme tel qui ne vole pas suffisamment sur une base annuelle. Ce corollaire explique bien une des conventions mondialement reconnue qu’un(e) pilote ne fait qu’un avec son avion une fois en vol.
Il faut bien comprendre que le partenariat dans un aéronef est parfaitement identique au mariage. Il associe tous les points connus à quelques détails près, d’une relation conjugale conventionnelle. Outre le partage des horaires, le partage des coûts d’entretien… Il faut reconnaître que ce n’est pas tout le monde qui adhère au principe reconnu d’entretien préventif. Que penser de mettre à jour l’avionique ou d’ajouter des STC (« Supplemental Type Certificate ») qui améliorent les performances ou simplement de l’entretien (ménage) quotidien. Les graines de biscuits à l’avoine, les emballages de plastique et la multitude de restants organiques ont tendances à irriter plusieurs d’entre nous. Le meilleur conseil est de sagement choisir vos partenaires si vous ne les connaissez pas intimement. Produisez un contrat de mariage béton!
Lors de la prochaine rubrique Acheter un avion (2), je présenterai les aspects de la recherche et de la prise de connaissance du modèle recherché, le magasinage/shopping pour la bonne pointure et plus tard des visites/inspections pré-achat suivi de l’entretien, des surprises et oui, la paperasse.