Traiter en vol avec le monoxyde de carbone
C’est le genre de titre qui n’annonce rien de bon quelques jours avant Noël ! En 2019, Un joueur de football meurt dans un accident d’avion au Royaume-Uni (dans la Manche) qui a été attribué à l’empoisonnement au monoxyde de carbone. Cet accident m’avait particulièrement touché en ce sens que nous sommes apparemment tous bien au fait des néfastes effets du monoxyde carbone
Nous convenons tous que les causes les plus importantes d’accidents mortels en aviation incluent majoritairement des pertes de contrôle en vol (LOCi), l’épuisement du carburant, etc.
La sécurité des vols doit être envisagée globalement, et la gestion des risques fait partie d’une solution moderne pour atteindre cet objectif. C’est l’objet de cet article.
Nous avons tous dû passer un examen écrit pour obtenir le type de licence que nous détenons. Les questions sur le monoxyde de carbone étaient obligatoires.
La théorie gouvernementale vs la pratique
Au Canada, l’AIM (Manuel d’information aéronautique) décrit le monoxyde de carbone comme le résultat d’une combustion incomplète. Une combustion parfaite est hypothétique, autrement dit impossible. Une combustion parfaite produirait uniquement H₂O et CO₂. Dans le monde réel, du monoxyde de carbone sera toujours produit lors d’une combustion. La quantité produite peut être minimisée, mais jamais éliminée.
Passons de la théorie à la pratique où, en tant que pilotes, nous devons gérer cela au quotidien.
Voici les faits sur le monoxyde de carbone :
- C’est mortel.
- La molécule se lie à l’hémoglobine 200 fois plus efficacement que l’oxygène.
- Il est incolore et inodore (pas toujours).
- Les symptômes incluent des étourdissements, une incapacité à se concentrer, une altération du jugement, des vertiges, des nausées. Ces symptômes apparaissent tôt dans le processus d’empoisonnement.
- Les effets mettent des heures à se dissiper, même en présence d’air frais.
- Les effets sont cumulatifs lorsqu’ils sont répétés sur un espace de temps restreint.
- Les résultats d’une intoxication grave sont une perte de conscience et la mort.
La détection et la somme de chances incroyables
Comme beaucoup d’entre nous, lorsque j’ai acquis mon PA-30, j’ai acheté un détecteur de monoxyde de carbone bon marché et jetable. C’est une petite plaque en plastique qui ressemble à un sous-verre de scotch et qui est censé s’assombrir lorsque du CO est présent dans le cockpit.
Par chance, à ce moment-là, je suis tombé sur un podcast surréel de l’AOPA, There I Was Épisode 13 (veuillez sélectionner l’épisode en question).
Résumé exécutif: Un pilote expérimenté a perdu connaissance en vol à cause du CO. Son avion, éventuellement à court de carburant, a fini par planer tout seul (grâce à un stabilisateur bien réglé) s’est posé, je ne peux pas dire écrasé, dans un champ. Le pilote a réussi, non sans mal, à s’extraire de l’épave à son réveil.
Je n’ai jamais entendu parler d’une telle chance jusqu’à ce jour.
À ce moment-là, il m’est devenu urgent d’approfondir mes recherches sur la détection du CO. J’ai alors acheté un détecteur électronique de CO, qui déclenche une alarme dès que des particules de CO (10 PPM, particules par million) sont détectées.

Malheureusement, ces détecteurs jetables en plastique ne suffisent tout simplement pas. Ils donnent une fausse impression de sécurité. Lorsque les taches noires apparaissent (à 100 PPM), il est souvent trop tard pour réagir efficacement.
Si cela ne suffisait pas, il faut noter que les effets mesurés le sont au niveau de la mer. En altitude, sans oxygène, l’hypoxie aggrave encore la situation.
Investissement
Le CO doit être détecté très tôt en vol pour éviter sa chaîne d’effets mortels. Les détecteurs électroniques sont indispensables. Oui, ils coûtent plus cher que la solution à 5 $. Mais à franchement à ce point qu’est-ce qu’on en à faire? Parfois, la gestion des risques nécessite un investissement financier.
Tout le monde, y compris les régulateurs, insistent sur l’importance de l’entretien des systèmes de chauffage des manchons d’échappement des monomoteurs. Nous le savons tous. Voici mon point de vue à ce sujet avec une histoire improbable.
Mon histoire
Il y a quelques jours, je terminais un vol avec mon étudiant, sur le point de passer son test en vol de pilote privé dans son C-172F. Lorsque j’ai accepté de former cet aspirant pilote, j’ai exigé que son 172 soit équipé d’un détecteur électronique de CO. C’était il y a 2 ans.
Ce vol avait lieu par un matin froid de fin d’automne près de Montréal (-12 °C), l’avion était en parfait état, comme il se doit. À 4000 pieds d’altitude, avec une température extérieure de -16 °C, le chauffage était entièrement ouvert. Lors de manœuvres impliquant des changements de vitesse, l’alarme du détecteur s’est déclenchée, indiquant une augmentation au-delà de 40 PPM de CO.
Mon étudiant a appliqué la bonne technique en fermant le chauffage et en ventilant le cockpit. La concentration de CO a commencé à diminuer. Cependant, les symptômes se sont installés : nausée légère, vertiges, et petit mal de tête.
Aucun doute : nous avons décidé de revenir atterrir. En descente, dans le circuit, mon étudiant a établi l’altitude du circuit à 2400 pieds au lieu des 1400 pieds requis. Je l’ai laissé faire jusqu’à un certain point avant de lui signaler son erreur. Il a mis un certain temps à réaliser son erreur, signe d’une altération du jugement.
De retour au sol, il a été découvert que le CO entrait par le joint de la porte gauche.
En cette fin décembre, prenez le temps d’arracher ce « sous-verre » en plastique si vous en avez un sur le tableau de bord. Offrez-vous un détecteur de CO authentique. Vous le devez à vous-même et à vos passagers.