Perte de contrôle

By | 2019-02-09

Comprendre pourquoi les accidents se produisent à bord d’avions parfaitement intègres est probablement le défi le plus important que notre industrie ait entrepris depuis un très long moment.

Il y a des décennies, tout le monde savait que la fiabilité mécanique des « machines volantes » était toujours en question. Pourquoi ? Eh bien, simplement et c’est surtout causé par les contraintes de vibrations. Ces dernières sont imposées sur la structure pas les moteurs à pistons surtout de type radial. Il n’y avait pas de choix, c’était la façon moderne de l’époque.

Les cellules sont irrémédiablement allergiques aux vibrations, flottements et toute sorte de motions de secouage. Pas celles parfois produites par les pilotes !

Défaillances majeures

Avec l’avènement des turbopropulseurs et finalement des moteurs à réaction, les avions sont devenus graduellement plus fiables. De nos jours, on ne peut imaginer de ces pannes/bris complètement absurdes que les « vieux bonhommes » avaient à mater se ruant partout dans le ciel avec des pièces approuvées qui volaient en formation plus ou moins rapprochées  ! Ce n’est simplement et heureusement plus possible. Les pannes multiples sont rarissimes. Ajoutez à cela la fiabilité d’une métallurgie avancées, de l’ingénierie mieux instruite et des techniques d’entretien immensément améliorées. Le système de transport aérien a évolué pour produire des plateformes de vol solides.

Une panne de moteur telle qu’elle constitue une situation « anormale » sur un jet multimoteur. Pour les besoins de la discussion, on peut la catégoriser dans tout sauf une urgence catastrophique entrainant une perte de contrôle (LOC – « loss of control »). Des bris sérieux de structure en vol ont graduellement disparu de nos espaces aériens. On peut dire que le dernier rapporté fut celui de 2001 où un A300 s’est abimé dans New-York. Une séparation complète de la dérive a été causée par le transit par de la turbulence de sillage et la pleine application successive de part et d’autre du palonnier. Un événement de ce genre où l’équipage n’a aucune espèce de chance de s’en sortir sont tout simplement non-existant au point de vue des statistiques. Avec la perspective professionnelle dans ce cas précis, nous avons appris à éviter pareilles avaries et nous avons développé un entrainement approprié.

On pourrait citer l’atterrissage « très dur » en 1989 d’un DC-10 à Sioux City Iowa comme étant un événement du genre causé par des bris structurels. Bien au contraire, il s’agissait de rien d’autre que du pilotage de niveau supérieur conjugué à une maitrise des facteurs humains dans le cadre d’une gestion au poste de pilotage sans égal. Voilà ce dont il est question : maintenir le contrôle.

Similairement, un événement d’une rareté exceptionnelle s’est produit en 2005 où A310 a subit la perte, la séparation totale de la gouverne de direction qui se solda en un déroutement et un atterrissage bien réussi. Les faits saillants dans ce cas fut l’incompréhension des points de fatigue des interfaces des premières composites avec les matériaux traditionnels de l’époque. Encore une fois, l’excellente maitrise du pilotage s’est soldée en heureux événement, parraissant presqu’anodin.

Perte de maitrise, cellule intègre

Néanmoins, le NTSB américain rapporte que la raison principale des accidents fatals est causée par les pertes de maitrise (LOC) de l’aéronef. Il n’y a pas de distinction : gros ou petit. La différence entre les gros porteurs et l’aviation générale est la quantité faramineuse de vols sécuritaires sans histoire comparés à l’échantillon bien plus modeste de l’AG. Les événements LOC sont identiques alors que les cellules demeurent intègres.

Il est reconnu (surprise ?) que les événements problématiques sont ceux qui mettent en cause les phases de vol en manœuvres :

  • Les décollages et atterrissages
  • Être près du sol

À l’intérieur de ces paramètres, il est reconnu que les accidents sont causés par :

  • Les pannes de moteur(s)
  • Acrobaties, improvisées ou planifiées
  • Pilotes de basse expérience
  • La raison #1 : les décrochages et vrilles

Le filon commun étant ici les facteurs humains.

Facteurs humains au travail

L’industrie, depuis des décennies, travaille très fort sur ces facteurs humains. L’accident du DC-10 est précisément un des ces événements bien documenté démontrant la réussite de la science des facteurs humains mieux connue sous le CRM (Cockpit Ressource Management- gestion des ressources au poste de pilotage).

Que peut-t-on dire au sujet du CRM pour l’aviation générale pour contrer les 4 facteurs mentionnés. Contrairement à l’industrie du transport aérien, l’aviation générale n’est pas si bien disciplinée ou supervisée par une autorité centrale. Notre pauvre régulateur (transports Canada) est exactement cela : pauvre. Il ne peut participer à l’aviation générale, oubliez de gérer des situations multiples ou d’éduquer. Les mots clés qui émanent des bureaux de la direction sont la gestion du risque (dans leur propre gestion).

L’aviation générale est ainsi laissée sur la corde à linge.

Il semblerait évident du moins espéré que nous, pilotes, aspirons à la perfection dans nos fonctions. Certains certifiants que le niveau est acquis. Pourtant les statistiques démontrent autre scénario.

Avant même d’arriver à une perte de maitrise, plusieurs éléments se seront glissés sournoisement dans notre routine/procédure (emphase sur procédure) de vol. Plusieurs années ont passé depuis que nous avons prouvé au monde entier notre habilitation à piloter suite au test en vol. À la lumière des rapports de perte de maitrise cités par le NTSB qu’est qui pourrait bien être accompli pour améliorer nos compétences sinon de les améliorer ?

Au 21’ siècle, comment peut-on gérer les événements LOC ?

Gérer le vol avant la LOC

Premièrement, on peut toujours maintenir ses habiletés en se pratiquant. Piloter est une denrée périssable. Hélas, le coût devient un facteur. Pour devenir pilotes, nous devons démontrer plusieurs qualités. L’auto-critique n’en fait pas partie. C’est ici que le continuel et sous utilisé entrainement annuel avec un instructeur entre en ligne de compte.

Le regard objectif d’un professionnel peut apporter une foule d’information sur notre standard de vol personnel. De nouvelles perspectives peuvent être présentées sur de l’entrainement d’assiette inusitées, les valeurs capitales des approches stabilisées (VMC ou IMC), la gestion du risque en vol (les pilotes sont également des gestionnaires de risque organisés) ou encore du CRM appliqué aux passagers pour vous seconder dans vos tâches.

J’ai lu récemment un incident où un Piper Meridian privé s’est mis en route à la presse suite à une multitude de distractions et un compensateur de la gouverne de profondeur braqué plein cabré. L’avion était fraichement sorti de la visite annuelle. L’item de la checkliste a été raté, il y a même eu discussion suite à l’événement à savoir pourquoi le compensateur était braqué ainsi. Mais on s’en fiche ! Le point malheureux fut que l’item a été raté lors du « balayage rigoureux » pré-décollage. Aucune checkliste fut utilisée puisque l’expérience accumulée sur le type remonte à un millier d’heures permettant il semble l’exemption de la checkliste. À l’application de la puissance, la PT-6 a fait son remarquable travail propulsant le Meridian en montée absolument cabrée sans aucune réponse possible de la gouverne de profondeur. Notre malheureux pilote a eu le réflexe éventuel de couper la puissance permettant une abatée du nez et un atterrissage dur dans le gazon à côté de la piste. Tout le monde qui lira ce récit déclarera: « Ceci ne se produirait jamais à moi ! » Pas si vite s’il vous plait.

Comment pouvons-nous éviter ces histoires de LOC? Il faut éviter ce qui est connu comme des « états indésirables de l’aéronef » soit des « undesirable aircraft state », UAS pour les intimes. Les UAS peuvent être définis comme positions de l’aéronef à l’intérieur de l’espace aérien, des excursions de vitesses, des mauvaises applications des commandes de vol ou des configurations erronées des systèmes engendrés par les membres d’équipage réduisant les marges de sécurité. Ceci peut être par inadvertance ou pire encore intentionnel. Nous ne toucherons pas aux situations intentionnelles.

Éviter les UAS

Comment traiter les UAS avant que la perte de maitrise ne se manifeste ? Il faut d’abord beaucoup de discipline dans le court terme et certainement des dépenses dans le moyen et long terme. L’aviation certifiée n’a jamais été pensée comme étant bon marché comme nous verrons plus loin.

Si nous reprenons les 4 items du NTSB, nous pouvons nous questionner comment s’écarter de la voie des pertes de maitrise. Rappelez-vous qu’il s’agit d’items majeurs. La liste ne se limitant pas qu’à ces éléments spécifiques.

En termes stricts de facteurs humains, le premier commentaire qui émane du siège de l’instructeur est : « Volez l’avion ! » Vous seriez surpris comment le gros bon sens est balancé dans le bac de recyclage.

  1. Au cours d’une panne de moteur (mono ou multi), les items initiaux des procédures tous modèles confondus sont de voler et compensez l’avion. Au cours des prochaines secondes le pilote dans cette situation devient extrêmement occupé avec les autres items de la procédure et l’avion si compensé inadéquate ment s’en ira dans la rhubarbe, d’où la UAS.
  2. Acrobaties. Combien de fois avons-nous la chance d’admirer une superbe machine bien lisse décoller et faire un pallier à 5 pieds (ou moins) jusqu’à la Vne pour ensuite « embarquer la Top Gun post-combustion et partir balistique » sans oublier le dégagement côté jardin ? Ahhh, les acrobaties improvisées. Le vol à basse altitude sans relation à la phase de décollage ou d’atterrissage tombe (pardonnez l’horrible jeu de mot) dans la même catégorie : UAS.
  3. Celui-ci, l’expérience modeste est différent. Il y a beaucoup de trucs là-bas qui peuvent venir vous mordre le six. Afin d’éviter des UAS, la planification et la préparation rigoureuse sont le premier ordre du jour EN PLUS de rigoureusement maintenir le plan moyennant le gros bon sens. L’expérience prend du temps à acquérir, employez le sagement.
  4. Les décrochages et les vrilles. Un avion bien compensé n’y arrivera jamais sans aide. Ces situations sont toujours induites par le pilote. Aucune magie noire est impliquée, que de la science. Ces situations sont sans contredits les plus tragiques quand on considère la quantité d’entrainement initial consacré à la cause et les innombrables articles comme celui-ci publiés. Avant d’en arriver là, des UAS majeurs se sont mis en place.

Le coût de la sécurité

La pratique est impérative. On ne peut simplement pas se déclarer sécuritaire en volant 10 heures par année. Désolé, çà ne fonctionne pas comme cela. C’est ici que le coût de la sécurité arrive dans le portrait.

Qui est préparé à payer pour le minimum absolu d’une heure d’instruction par année ? Le règlement canadien ne le requiert même pas pour les pilotes d’aviation générale. Un simple questionnaire peut-être rempli une fois par année et ensuite conservé en lieu sûr afin de prouver son accomplissement. Vraiment?

Le meilleur investissement démontré en aviation générale pour réduire les accidents causés par les pertes de maitrise est l’entrainement en vol. Que diriez-vous d’un petit 30 minutes d’assiettes inusitées causées par l’abus de l’usage technologique en courte finale ? Ou encore se mettre en vol « super » lent pour identifier des UAS conséquents ?

Une note supplémentaire aux facteurs humains: les médicaments et la fatigue. Plusieurs trucs contre ou pour la grippe sont interdits pour le vol. On se demande encore: pourquoi aller voler avec la grippe? Voler quand on est fatigué est également un facteur déterminant dans la dégradation des facteurs cognitifs. Être en mesure de rester éveillé n’a rien à voir avec la fatigue. Je vais le redire et seulement en sa mémoire, un ami pilote s’est tué en vol à cause de la fatigue.

Le jugement affaibli est l’incubateur parfait des UAS.

La technologie peut aider

Entre en scène la technologie. Affirmatif la technologie est dispendieuse. J’imagine que différentes personnes appliquent une valeur différente à la vie. C’est un peu comme dépenser pour acquérir un radeau de sauvetage, lorsque requis. Il existe des marques bon marché, pardon, abordables et des marques avec des spécifications reconnues. Qui peut bien s’en soucier surtout que l’on a jamais l’intention de s’en servir, non ?

Je suis un fan fini de la technologie. Juste ne plus avoir à trainer les fichues cartes de papier est une libération monumentale. On peut passer plus de temps à regarder dehors. Un point pour les IPads, même affaire pour l’ADS-B. N’importe qui en est équipé même la version « in » attestera que de « cibler » un trafic bien avant qu’un contact visuel possible ne soit confirmé derrière un pare-brise plein de rayures et d’insectes en repos éternel vaut de l’or. Ajoutez à cela les avis de trafic dans le casque d’écoute Bluetooth: c’est le pied. Je ne quitte jamais le hangar sans cela. Le pas établir un visuel sur un trafic annoncé est un UAS. Un AHRS: n’importe quand. Que dire des indicateurs d’angle d’attaques maintenant offerts pour l’aviation générale. Ils devraient devenir obligatoires si vous me demandez.

Travailler pour réduire les accidents de l’aviation générale est une corvée pour chacun de nous. Elle requiert de la discipline, du temps et de l’effort financier.

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2 thoughts on “Perte de contrôle

  1. jimmy

    AdS-B : utile sur la Côte-Nord …réception … conseil achat?
    instructeur pour maintenance annuelle pilote : adresse ..qui…conseil
    merci
    Jimmy

    Reply
  2. admin Post author

    Bonjour Jimmy,
    Merci pour ton message.
    L’ADS-B sera utile sur la Côte-Nord pour les aéronefs qui en sont déjà équipés et en contact radar. la réception météo de la FAA ne sera reçue qu’à un grande altitude. Les ADS-B complets style Lynx ou Garmin sont excellents. Garmin offre une version complète abrégée à bon prix.
    Quant aux instructeurs, toutes les écoles pourront en proposer dans ton coin.

    Reply

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