B-737 Max et la réponse (ouf!) récente du NTSB

By | 2023-05-06

Avec un peu en retard, je viens de lire la réponse du NTSB américain en date du 13 janvier 2023 en relation à l’accident fatal du vol 302 d’Ethiopian Airlines du 10 mars 2019. Wow … La surprise ne réside pas tellement de la réponse mais bien de cette procédure très inhabituelle dans notre industrie.

Premièrement, je vous présente un peu de contexte. Le Boeing 737 Max a été impliqué dans 2 accidents fatals avec un écart de seulement 5 mois. Le premier fut celui de la Lion Air en octobre 2018 (commenté déjà sur ce blog) et ensuite celui de l’Ethiopian Airlines en mars 2019.

Ces deux accidents ont été amplement commentés dans le media. Les pertes de vies humaines m’ont brisées le coeur. Nos passagers accordent tellement de confiance dans le système de transport aérien. Que ce soit les lignes aériennes, les régulateurs, les manufacturiers et ultimement les pilotes aux commandes, tous partagent une responsabilité afin d’établir ce lien de confiance.

Selon les standards et protocoles de l’OACI, les enquêtes sur les accidents d’avions sont conduites par l’autorité domestique où l’accident s’est produit. L’autorité du pays où l’aéronef est manufacturé aura à participer à l’enquête. Parfois un pays peut demander l’aide d’une autorité étrangère si les ressources internes sont insuffisantes.

L’enquête de l’accident de mars 2019 a été menée par la « Ethiopian Accident Investigation Bureau » (EAIB) at secondée par la « National Transportation Safety Board » (NTSB) des USA où Boeing y est évidemment basée.

Le EAIB a publié son rapport final le 23 décembre 2022. Le 13 janvier janvier 2023 le NTSB a publié une lettre (en anglais) de 7 pages très précise en réplique au EAIB. Cette lettre décrit très clairement des clarifications et une opposition aux facteurs majeurs qui ont contribué à l’accident. Cette lettre expose un aspect majeur et étonnement négligé dans cette saga du 737 Max.

D’emblée, le NTSB est parfaitement clair. Boeing et la FAA ont été une source majeure des accidents dû au fiasco de la certification du 737 Max.

Le contexte de la lettre du NTSB entre en jeu. Restez avec moi pour quelques minutes.

Le NTSB a été fondé en 1967. Il s’agissait d’une section d’enquête du nouveau « Department of Transport » américain (DOT). En 1974, le NTSB fut séparé complètement de toutes instances et ministères gouvernementaux par le gouvernement élu du moment. Ceci permis au NTSB de devenir apolitique et non biaisé dans sa capacité d’enquête. Le NTSB avise des faits observés tels quels. L’EAIB apparemment ne bénéficie pas de telle indépendance.

L’EAIB a publié trois éditions du rapport d’accident concerné. Toutes ont été commentées par le NTSB. Pourtant l’EAIB a choisi de ne pas ajouter les observations du NTSB à ces rapports successifs. L’EAIB a singulièrement cité Boeing comme seul facteur majeur dans l’accident. Ceci explique cette lettre très inhabituelle publiée par le NTSB en janvier.

Je dois absolument être clair au prix de me répéter: Boeing et la FAA ont échoué dans leur plan d’affaire du développement et de la certification du 737 Max.

Ce qui a attiré mon attention et qui ne fut pas publié dans le rapport final de l’EAIB est l’aspect des facteurs humains dans l’accident lui-même.

Suite à l’accident de Lion Air et 4 mois avant l’accident de l’Ethiopian Airlines, la FAA a émis une consigne de navigabilité (CN) d’urgence.

Comme nous le savons bien dans l’industrie, lorsqu’une CN est émise, nous avons une forte réaction à l’appliquer sur le champs.

Cette CN exigeait à tous les opérateurs de 737 Max du monde d’entrainer leurs pilotes aux procédures d’emballement du compensateur horizontal (« pitch trim runaway »). Apparemment, les membres d’équipage de conduite d’Ethiopian Airlines n’ont pas été entrainés comme l’exigeait cette CN.

La CN demande d’utiliser le compensateur horizontal manuel (électrique) pour stopper l’emballement et reprendre la maitrise de ce dernier, réduire à 80% la poussée des moteurs, cabrer l’assiette afin de réduire la vitesse et finalement mettre les interrupteurs de compensateurs horizontal en position « off ». Ces interrupteurs sont très accessibles juste à droite des manette de poussée sur la console centrale.

Est-ce que les membres d’équipages ont suivi la procédure? Ont-ils seulement accompli la procédure que partiellement? De toute façon il est déconcertant d’observer des collègues piloter avec le nez de l’avion en piqué près du sol à 400 noeuds et avec les moteurs à pleine puissance.

Il vaut la peine de mentionner que le système MCAS est désactivé dans quatre conditions:

  • Lorsque les volets sont déployés
  • Lorsque le compensateur horizontal électrique est actionné manuellement par un pilote
  • Lorsque les interrupteurs du système de compensateur sont mis hors tension
  • Lorsque l’auto-pilote est engagé

L’enquête a aussi révélé selon le NTSB la rupture du détecteur d’angle d’attaque côté gauche durant le décollage. Un objet étranger, vraisemblablement un oiseau, aurait arraché la sonde. Le MCAS serait alors tombé en panne logique.

Le rapport finale de l’EAIB ne mentionnait aucunement ce fait. Ce dernier fut démontré en laboratoire par le fabricant des sondes. Plusieurs instances concernées ont été invitées à cette démonstration dont l’EAIB. Ces derniers ont choisi de ne pas y assister. Le MCAS a été activé 44 secondes après le début du décollage lorsque les volets furent remontés.

Comme pilote confortablement assis devant mon ordinateur, je trouve qu’il est extrêmement aisé, sans aucune contrainte à 1 G, de commenter l’horrible destinée des membres d’équipage et leurs passagers. Ce qui me coupe le souffle ici, est le flagrant mépris pour la science, pour les faits ainsi que pour les performances humaines.

Parfois, les agences (autorités) indépendantes d’enquêtes sont imparfaites dans leurs actions et recommandations. Il existe des procédés efficaces qui permettent de corriger les imperfections. Le but ultime des ces agences sera toujours de prévenir des accidents dans le futur. Il est inexplicable de choisir d’ignorer les faits tels qu’observés dans ce cas. C’est ce qui justifie entièrement cette lettre de commentaires de la NTSB pour répondre au rapport final et fort limité de l’EAIB.

Qu’est-ce qu’on peut tirer comme leçon importante de cette situation très inhabituelle? Les facteurs humains venant de tous les secteurs de notre industrie contribuent à la sécurité active. Les pilotes, de facto, sont la dernière chance, l’ultime défense pour protéger les passagers d’un accident tragique. L’entrainement basé sur la science est la clef du succès dans notre recherche de l’excellence. Ignorez la science et les faits à vos propres risques.

Inscrivez-vous au blogue

Entrez votre adresse courriel pour recevoir les notifications de nouvelles rubriques

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *