Le Canada devient un cancre.

By | 2023-12-14

L’OACI donne une note de C (64%) au Canada en matière de sécurité aérienne.

Soyons clairs: la seule technique de mesurer l’efficacité ponctuelle de la sécurité aérienne est de compter le nombre d’accidents par heures de vol. C’est plutôt froid comme constat mais il s’agit de la réalité, si déplaisante soit-elle à expliquer.

Cependant, l’observation professionnelle des pratiques et des tendances étudiées par un organisme aussi vénérable que l’OACI devrait susciter notre attention.

Ainsi, la semaine dernière l’OACI, suite à une étude (confidentielle mais ébruitée) exécutée sur des périodes de 5 ans a déterminé que le Canada n’est plus bon élève pour la conduite de la sécurité aérienne. Il est passé d’une note de A+ à C. Cette note médiocre est à peine suffisante pour le passage.

Notons ici que l’OACI surveille objectivement tous les pays membres de son organisation sur des sujets tels les opérations aériennes (lignes aériennes et aviation générale), les aéroports (organismes sans „but lucratif“ privés) ainsi que la navigation aérienne (NavCanada).

Réplique du ministère

La réponse, lire ici réplique, du gouvernement canadien par la voie du ministre des Transport fut instantanée. C’est assez ironique que le ministre soit aussi prompt dans sa réplique, considérant les délais administratifs hors normes que nous subissons tous en ce moment, .

Cette réplique fait évidemment l’éloge de l’excellente sécurité aérienne au Canada: preuve à l’appuie? Comptez le nombre d’accidents majeurs que nous avons déploré depuis ces dernières années. Personne ne peut contredire ce fait.

Malgré tout, nous savons bien dans notre milieu, grâce au simple modèle des tranches de fromage de James Reason qu’au moins une de ces tranches vient d’agrandir son trou démesurément.

Mais çà coûte moins cher!

On peut affirmer que la démobilisation des responsabilités en matière de sécurité dans l’aviation civile chez Transports Canada ne s’est pas produite du jour au lendemain. Depuis des décennies, les compressions budgétaires massives se sont produites en justifiant l’auto-régulation et les systèmes de gestion de sécurité pourtant bien progressifs.

Les lignes aériennes qui ont le plus à perdre dans cette dégringolade, se défendent assez bien. La confiance des passagers est liée étroitement à l’absence d’accidents. Avec raison, la sécurité pro-active dont nos excellentes lignes aériennes en est la preuve est assez bien développée. Les compagnies d’assurances apportent sans aucun doute un bon niveau de stimulation à cet égard.

Côté navigation, nous connaissons les grandes lignes de toute façon. Le manque de personnel systémique chez NavCanada crève les yeux. À cause de ce manque, l’accès au classe C est souvent refusé ou encore le refus catégorique (souvent accompagné de réprimande verbale) du suivi radar lorsqu’en vol VFR. Le facteur fatigue des contrôleurs entre en jeu. Ce qui annonce rien de bon.

Les excuses, pardon les savantes explications abondent: la récente  pandémie et tant qu’à y être pourquoi pas les changements climatiques? Hydro-Québec (monopole gouvernemental) s’est servie de cet argument la semaine dernière pour justifier les pannes d’électricité majeurs dans la région de Montréal lors d’une chute de neige. Apparemment, les arbres pousseraient trop rapidement maintenant. Voilà les genres d’arguments lancés quand la maitrise devient chancelante.

Je me suis égaré, revenons sur la trajectoire.

Et les aéroports, qui peinent à suivre les normes de l’OACI. Mais oui, ils répondent bien aux obligations de Transports Canada par conséquent, administrativement la conscience est tranquille. Voyez seulement la piste 24G de Toronto Pearson. Il n’existe pas de surface supplémentaire („run-off“) puisque qu’un énorme fossé s’y trouve. Le standard de l’OACI demande ce genre de surface passée le bout de piste. Mais voilà géographiquement ce n’est possible. La correction serait d’installer un système EMAS (engineered material arresting surface. Mais bon, c’est trop dispendieux pour nous. Heureusement que les normes de Transports Canada sont en place et respectées. Parlez-en aux passage d’AF358 du 2 août 2005.

L’investissement dans la sécurité n’apporte jamais de bénéfices ou de dividendes financiers.

De son côté, Transports Canada est horriblement en perte de maitrise malgré les belles déclarations. Le ministère peine tellement à émettre des certificats médicaux ou des livrets de licences qu’il produit des documents explicatifs pour justifier les délais auprès des autorités étrangères. Essayez d’expliquer à un inspecteur de la FAA lors d’une sympathique visite de contrôle, que votre demande de renouvellement livret de licence a été envoyée il y a 4 mois ou bien que vous êtes en attente de „l’auto-collant“ du médical depuis plus de 90 jours (3 mois). 

Mais revenons chez nous. Le laissez-aller dans l’aviation générale pourrait-être plus chaotique, j’en conviens. Heureusement que le programme de mise-à-jour des connaissances (RAC 421.05) est en place pour nous aider à maintenir en tant que pilote, notre compétence. Grâce aux 20 questions à répondre dans l’excellent bulletin „Sécurité aérienne Nouvelles“. En y répondant, on devient plus compétent. Pour votre confort, les réponses se retrouvent à la fin de la publication. Elles sont écrites à l’envers pour rendre la tache plus ardue. 

Personne n’apprécie la règlementation, personne n’apprécie la surveillance de la règlementation. Mais la réalité de l’espèce humaine restera toujours la même. C’est la loi du moindre effort qui préside. En contraste, aux USA, on exige un vol d’instruction aux deux ans pour maintenir ses compétences à jour.

Plus pour moins?

La loi du moindre effort vous contesterez? Voyez seulement comment Boeing s’est comportée lorsque la FAA a délesté ses responsabilités en matière de certification d’aéronef. Boeing, une boite si réputée pour son savoir faire et sa culture blindée procédurale. Voilà, tout le monde a constaté la débâcle du dossier du 737 Max pourtant pas si compliqué à gérer.

Le Canada est allé trop loin dans son délestage de responsabilités en matière de sécurité aérienne. On veut sauver les budgets toujours plus maigres. L’ironie des points soulevés par l’OACI ne change en rien la teneur du rapport ébruité. Plusieurs autres ministères canadiens se sont englués dans des fiascos sans précédents. Transport Canada n’est pas une exception, malgré les efforts du personnel rendu rare à l’interne. La différence ici est que nous avons les indications claires nettes et évidentes que la gestion de la sécurité se détériore rapidement, les tranches d’Emmental de James Reason ne seront plus nécessaires pour reconnaître le problème, nous aurons des accidents qui permettront de mesurer efficacement la sécurité aérienne canadienne. 

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