Des vitesses que vous n’avez jamais volées

By | 2018-12-12

La vitesse vraie (TAS)

La vitesse vraie (TAS)

Nous utilisons communément la vitesse vraie (TAS – true airspeed) issue du manuel de l’avion (AFM – airplane flight manual) pour la planification de vol. La TAS est basée sur un avion flambant neuf, piloté par un pilote d’essai qui corrobore les chiffres prévus par les ingénieurs du manufacturier. Certains diront que ce n’est pas la réalité. En fait, c’est assez près, du moins çà l’était quand le nouveau modèle sortait de l’usine pour sa certification.s

Manuels et trainée

Les graphiques de performance pour n’importe quel type que ce soit un Piper Clipper ou un Boeing Dreamliner, sont publiés pour un avion équipé du minimum de quincaillerie trainant dans le vent relatif tel que des antennes. Une cellule et bien polie, des hélices ou des aubes de soufflante toutes neuves pour déployer la puissance, des freins neufs et une cellule bien droite sont les luxes que le/la pilote d’essai considère comme normaux. Les pilotes d’essais profitent aussi d’un esprit libre et net en haute conscience de situation. Ils sont préparés à tester toutes sortes de phase de vol. De notre côté des opérations, la dégradation ou l’usure de l’équipement et des pilotes (d’accord, disons la difficulté de la maîtrise de facteurs humains) contribuent tout autant défavorablement à la section 6 de l’AFM.

Ces dégradations se retrouvent partout:

  • L’usure des hélices, encoches, bosses ou l’érosion du bord d’attaque. La tolérance approximative maximale de 12 mm hypothèque vraiment la poussée.
  • Des moteurs pas appauvris selon les spécifications du manufacturier. En passant la TAS en croisière est souvent données pour un mélange « meilleure puissance » soit 100˚F du côté riche de la courbe. Si on appauvrit au « pic », soyez conscients que la puissance équivalente sera réduite de 4%.
  • Les moteurs mal entretenus: bougies différentes ou non approuvées pour le type de moteur, un agaçant clapet anti-retour dans le système d’admission, etc…
  • Le tachymètre hors tolérance.
  • La cellule « tordue ».
  • La peinture usée, manquante.
  • Les carénages fendus, déformés ou manquants.
  • Les commandes de vol mal alignées: pensez à un aileron trop haut + la compensation requise pour corriger en vol rectiligne… quelle traînée.
  • Les fuites d’air: des joints de portes à la texture de lardons trop cuits.
  • Des pilotes qui ne volent pas rectiligne.

Le point n’étant pas de verser dans une criante démence incontinente. Il faut seulement reconnaître la réalité de l’érosion cumulative des performances en relation à l’idéal du « livre ».

Il est très raisonnable de se donner une marge empirique d’au maximum de 10%, pour la zone de confort. Dans le monde des lignes aériennes ce nombre plus précis est incorporé automatiquement dans les plans de vol pour chacun des aéronefs individuels. Les MEL’s ont des données spécifiques de modification des perfos applicables pour toute sorte de pièces manquantes.

En volant de cours secteurs avec plein de carburant, il n’existe pas de soucis. C’est lors de la planification de longs vols avec carburant minimum que la réalité vient frapper dans le pare-brise. Bravo la TAS en croisière du livre!

Avec cette perspective, la réduction de la trainée devient fort intéressante. On fait des merveilles avec un avion bien poli (bien entendu les opérateurs commerciaux sont exemptés!), des hélices bichonnées, des commandes de vol ajustées au poil près et des carénages parfaits font des merveilles. Même les modifications certifiées (STC) qui améliorent les performances sont bienvenues pour rajeunir le zinc ou même le pousser en deçà des spécifications originales. Il faut quand même rester sobre: la trainée augmente à peu près au carré de la vitesse. Les bénéfices marginaux de chaque modification ou réfection ne sont pas cumulatifs.

La vitesse indiquée (IAS)

Pour l’aviation générale, la vitesse indiquée est souvent fournie pour des fins de simplicité, en fonction de la masse maximale certifiée de l’avion. Son intérêt est de fournir une indication raisonnable de la vitesse de décrochage (Vs). Plus un avion est léger, moins grande sera sa vitesse de décrochage. L’écart entre la Vs à la masse maximale et la masse minimale ne sera pas énorme mais très observable. Par exemple, quand vous allez pratiquer les décrochages avec votre 172 préféré et à demi plein, l’anémomètre affichera une sérieuse rotation anti-horaire vers le 0 et vous tiendrez toujours en pallier avec un peu de moteur, évidement avec les genoux qui feront plein de flexions au palonnier! Premièrement votre vitesse de décrochage est définitivement plus basse (pas l’angle d’attaque) et il y aura un autre facteur à considérer: le flot d’air entrant dans le tube de pitot, plus de détail bientôt.

La même chose s’applique à l’approche. Si on décide très légalement d’ajuster la vitesse d’approche en fonction de la masse réelle soit Vapp = 1,3Vs au seuil de piste (vent calme), alors le plané prolongé « habituel » à l’arrondi sera agréablement réduit. Certes, on vole plus près de la vitesse de décrochage à la masse maximale publiéecausant soucis pour certains mais la marge sécuritaire à la véritable Vs est respectée.

Planifier pour les cisaillement de vent et la turbulence devient une partie critique du processus décisionnel quant aux vitesses d’approches. Avec raison plusieurs argumenteront la nécessité des propos ici. Est-ce qu’une piste soit si courte qu’il faut réduire d’autant sa vitesse d’approche? Selon la physique de ce monde, si nous sommes entrainés à voler avec précision pourquoi ne pas voler ainsi? Le coûts en entretien seront contrôlés: les freins ménagés, la réduction des dommages provenant des projections extérieures sur la cellule, les hélices…

La vitesse-sol (GS)

Sur le sujet des cisaillements de vent, avez-vous déjà pensé à intégrer dans votre balayage la vitesse-sol générée par le GPS en approche? La composante de vent de face est facilement évaluée à votre altitude. Comparez cette composante à celle offerte (observée) par l’aérodrome. 

Franchement, il n’y a aucun intérêt à évaluer ceci si les vents sont calmes à tous les niveaux. L’histoire est différente en volant à proximité d’un passage frontal par exemple. Disons que vous volez dans une composante de vent de face de 20 kt en finale et que 5 kt de face sont rapportés au sol, vous savez alors que quelque chose d’interessant se produira bientôt. Hé: le vent au sol pourrait avoir la même vitesse qu’à votre niveau mais pas la même composante de face. La problématique sera identique mais avec un peu de couleur ajoutée par le vent de travers.

Un autre problème de la vitesse indiquée: elle traine derrière la réalité aérodynamique, bien peu, disons inférieur à 5% de différence lorsqu’il y a accélération ou décélération en relation à l’angle d’attaque au facteur de charge de 1G. L’inertie de l’avion entrant en jeu jumelée aux erreurs inhérentes de l’instrument: erreur de position, tubulure et l’horlogerie interne. Il faut aussi ajouter une erreur significative lors des glissades ou des angles d’attaques importants: l’entrés d’air non directe dans le tube de pitot. Au cours d’une glissade importante par exemple, la vitesse indiquée peut simplement tomber à 0. Seriez-vous en décrochage? Bien sur que non mais vous êtes surement sujet à y arriver sous peu si vous ne piquez pas du nez ou bien n’ajoutez pas de puissance pour contrer la trainée supplémentaire (réduisant de ce fait l’angle d’attaque).

Jusqu’au moment où l’on pourra apprécier l’usage d’une sonde d’angle d’attaque certifiée, l’anémomètre restera une source d’information assez fiable, contre les décrochages si utilisée avec jugement. Les éléments qui peuvent interférer avec la fiabilité de l’anémomètre sont entre autres:

  • Le givrage
  • Les insectes et leurs nidifications (achetez-vous un billet de loterie si vous en prenez un dans le pitot en vol!)
  • La moisissure (si, si) dans les points bas de la tuyauterie (aéronefs qui opèrent dans les champs s’en prennent plein la tronche au décollage et l’atterrissage)
  • La pluie forte
  • Les couverts protecteurs des tubes de pitot qui restent bien installés (hélas se produit tout le temps).
  • Les dommages au dôme radar causé par l’impact d’oiseaux causant des dérangements du flot d’air vers les tubes de pitot.

Si jamais des doutes devenaient problématiques en vol, toujours se souvenir de l’essentiel: Assiette constante = vitesse constante; qu’il y est un anémomètre fiable ou pas.La conscience de situation tombe affreusement bas lorsque la IAS devient non-fiable. En volant visuel, c’est un problème, lorsqu’en conditions IMC, la partie change de niveau. La saine conscience de situation est reprise seulement en améliorant le balayage et en retournant à une condition de vol stable.  « Si quelque chose vous semble bizarre, c’est parce qu’elle l’est! » Que vous expérimentiez des commandes d’ailerons molles ou lentes à répondre, que l’avion tout-à-coup vous semble anormalement silencieux, que l’assiette à cabrer soit anormalement élevée peu importe la puissance appliquée ou plus de 1G est ressenti, vous allez décrocher à l’exception près d’être assis dans un chasseur moderne.

Mais qui est-ce qui aurait dit que voler est comme rouler à vélo? 

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