Allez plus vite!

By | 2020-05-30
Bimoteur Twin Comanche photo d'époque
PA-30 Twin Comanche (Piper)

C’est le temps de « s’amuser » un peu. C’est agréable de voler. Même pour le travail, voler c’est plaisant! Alors pourquoi pas améliorer l’expérience?

Quiconque a fait l’acquisition d’un avion peut vous assurer du fait que d’être proprio d’un aéronef certifié n’apporte aucun avantage financier. Par contre le ciel est accessible n’importe quand. On espère aussi que le zinc nous emmène à des endroits que l’on n’imaginerait jamais accessible par voie terrestre que ce soit pour une question de temps ou tout simplement de question de survoler une énorme surface d’eau. Franchement les bagnoles ne sont pas très efficaces en la matière. Ceci est une réalité canadienne évidemment.

Si vous avez lu quelques rubriques de ce site, vous aurez déduit que depuis le projet d’acquisition d’un Piper Twin Comanche (PA-30), le projet s’est métamorphosé de voler un avion pour voyager en projet d’optimisation pour accomplir le même but.

Optimisation

D’abord, l’optimisation du confort (comprendre ici amélioration) est devenu une priorité suite aux nombreux commentaires émis par ma VIP rapprochée (conjointe) et mes amis pilotes. La plupart des commentaires faisaient allusion à la singulière senteur. Je me disais qu’à l’image des cheveux blancs fièrement gagnés, la senteur caractéristique d’un zinc reflétait le vécu et disposait l’occupant à reconnaitre sur le point de s’envoler. Eh bien, non les fragrances fusionnées de pique-niques étalés par turbulence légère à modérée, de la profusion transpiration émise par des situations serrées, de certains problèmes gastriques et de bonnes doses de 100LL des années, ne font pas partie de la psyché piétonnière. Ensuite l’autre élément de dissension est le manque de circulation sanguine comprise à l’intérieur de l’interface situé entre le siège et la commande de vol. J’ai donc attaqué la réfection de l’intérieur du PA-30 (en anglais voir).

Sur le sujet de l’optimisation, un aspect capital outre celui de voler l’avion est celui de voler l’avion le plus intelligemment possible. Par « intelligemment » je veux dire rester bien à jour avec les connaissances (facile) et maintenir en tout temps une bonne discipline de vol. Ensuite, s’occuper du zinc comme tel en le rendant lui aussi le plus efficace possible en appliquant tous ces concepts d’aérodynamique que nous avons appris il y a des années.

Les compromis de la conception

J’ai beaucoup de plaisir juste à imaginer que j’aurais pu me diriger vers un classique à train conventionnel (roulette de queue) pour sauter d’un petit champ à l’autre ou bien sur une plage de sable des méandres d’une de nos rivières. L’optimisation de ce genre d’avion consiste à laver la boue de la structure et certainement les énormes cadavres d’insectes des bords d’attaque.

Mais voilà, chaque avion est une compromis dans la conception. Pour obtenir un résultat acceptable pour une « mission » donnée, l’ingénieur devra abandonner certaines caractéristiques pourtant désirables.

Puisque l’option d’avoir plus d’un zinc dans le hangar n’était envisageable, il fallut me rabattre pour les besoins immédiats, sur un appareil qui avait une autonomie appréciable et une certaine vitesse. La vitesse, comme la beauté est une affaire assez subjective pour un observateur.

Le PA-30 a été conçu pour voler plus rapidement avec un moindre coût que les avions de l’époque, circa 1960. Pour atteindre ce but, donc optimiser, l’équipe de conception de Piper Aircraft s’est affairée à réduire des items de trainé plutôt bien observables:

  • Aucun marche-pied pour les passagers
  • Pare-brise plutôt incliné
  • Cabine serrée
  • Profile d’aile laminaire
  • Rivets plats où ils sont nécessaires
  • Train d’atterrissage escamotable
  • Quelques carénages

L’avion fut dessiné à une époque où les règles à calcul, les grands plans papier, les planches à dessins couvertes de règles étaient la norme. 60 ans plus tard, lorsque quelqu’un désire améliorer le concept, une sérieuse quantité de capital doit être investi pour produire peut-être une amélioration de 10% des performances avec l’assistance de conception informatique et de composites.

Bichonner sans devenir fou

Les heureux propriétaires de PA-30 sont assez enthousiastes à garder leur avion efficace sinon d’en améliorer cette efficacité. J’ai découvert depuis un moment qu’il existe tout un marché de modifications approuvées (STC: supplemental type certificates) qui améliorent les performances aérodynamiques, en fait d’une panoplies d’aéronefs.

Le pilote planeur soussigné a été prompt à s’informer en la matière.

Je ne vous ferai pas languir sur la soporifique théorie de vol de la trainée. Mais sachons que pour un type d’aéronef en particulier, les effets de la trainée ont été essentiellement optimisés en fonction du coût lors de la certification. Par-contre comme plusieurs proprios de ces STC’s savent, un peu de temps et capital peuvent être investis pour réduire principalement la trainée parasite.

Avant de m’étaler sur le sujet, il faut d’abord garder bien en vue la réalité scientifique. La trainée augmente au carré de la vitesse. LEs gains en vitesse ou en réduction de consommation de carburant vont sérieusement s’amenuiser pour une même puissance (HP: horsepower) derrière l’hélice. On peut dépenser jusqu’à un point pour obtenir si peu. Le truc ici est d’optimiser.

Mesurer le succès

Afin de mettre à terme ce « projet », qui n’est pas finalement une grosse affaire, il fallait mesurer les données afin d’éviter les perceptions personnelles biaisées. La meilleure façon d’y arriver était de compiler les données de vol pour chaque vol en conditions calmes à l’image des professionnels sur de « l’équipement plus lourd ». Une fois stabilisé en croisière, je notais bêtement la vitesse indiquée, la vitesse vraie, l’altitude pression, la température extérieure, la pression à l’admission, les RPM, le flot de carburant et finalement les modifications apportées à la cellule par-rapport à la version originale du modèle. À la fin du vol, au moment où l’entrée du carnet de route est mise à jour, quelques minutes de plus sont requises pour faire l’entrée de la banque de données.

Trainée induite

Le PA-30 a été importé au Canada avec déjà au carnet quelques modifications déjà installées. L’ajout de réservoirs de bout d’aile ne doit pas être catégorisé avec la réduction de trainée parasite. L’utilité bien évidente de la modification est l’autonomie bonifiée. En fait, la véritable amélioration est la réduction de trainée induite. Pensez ailettes marginales (« winglets »). L’amélioration mesurable de l’ajout des réservoirs affectueusement nommés « tuna tanks » (for du poisson recherché) se retrouve dans les performances de montées et la charge utile augmentée.

Trainée parasite

Les admissions de moteur créent une bonne quantité de trainée. Une modification a été installée pour réduire cette dernière et certes améliorer le refroidissement. Le train d’atterrissage escamotable standard de Piper faisait en sorte que l’assemblage des roues principales ne rentrait pas complètement dans l’aile. Aucune porte ne recouvre les pneus comme tel. Une modification avait été installée pour permettre la rentrée plus profonde du train dans l’aile.

Suite à quelques recherches, j’ai découvert que l’une des meilleures modifications en fonction de l’investissement se trouvait dans l’installation de « gear lobes » soit des profils qui assouplissent le flot d’air derrière le train principal qui justement est tout-de-même protubérant.

Carénage installé derrière le train d'Atterrissage
« Gear lobe » installé

Lorsque le PA-30 est arrivé au hangar pour accomplir le processus d’importation des États-Unis vers le Canada, nous avons littéralement passé en grande révision toute la structure. Donc pour les besoins d’optimisation, une panoplie d’items obsolètes ont été retirés:

  • Vieux LORAN-C et son antenne. Poids et trainée: dehors!
  • Receveur ADF et son immense antenne en forme de ballon de football américain. Poids et grosse trainée: dehors!
  • Vieux câbles électriques. Poids: dehors!
  • Innombrable quantité de câbles d’antennes co-axiaux. Poids: dehors!
  • Vieille quincaillerie de suspension d’antenne « corde à linge » d’ADF. Trainée: dehors!
  • Très vieux feu anti-collision d’origine, hors service. Poids et trainée: dehors!

Garder la forme

Une fois le certificat de navigabilité canadien émis, 13 livres ont été récupérées sur le poids à vide, sans parler de l’évidente réduction en trainée. Il est utile de se rappeler que plus un avion est lourd moins rapide sera sa vitesse de croisière pour une même puissance affichée. Comme j’expliquais précédemment, les réservoirs de bouts d’ailes sont d’une grande valeur pour ce propriétaire. Il faut comprendre qu’en croisière au poids maximal autorisé (125 livres de supplément) peu importe ce que le manuel indique, la vitesse de croisière est 4 KTAS plus basse pour les deux premières heures de vol sur 7. La consommation horaire est d’environ 100 lb/hre.

Rester propre

La base même de la recherche de vitesse est la propreté. Un avion poli est un strict minimum! Pourquoi avoir un avion outre d’habiter le ciel? Eh bien c’est pour aller vite! Les cadavres d’insectes ornant les bords d’attaques sont définitivement un « NO-GO ». Pour les plus maniaques en compétitions de planeurs, des nettoyeurs de bords d’attaques en vol sont installés. Ces même insectes décédés sur l’intrados des pales d’hélices sont aussi problématiques et voleurs de traction. Vu la couleur noire de l’endroit, la propreté est plus difficile à évaluer.

Lors d’une journée normale, je ne saurais être vu autour d’un mode de transport terrestre en train de laver ou pire encore polir un éventuel tas de corrosion. Les aéronefs sont à mes yeux l’intemporelle exception. Outre la protection contre le rayonnement ultraviolet et la protection contre l’oxydation, la cire ou les équivalences industrielles rendent l’aéronef encore plus glissant. D’emblée on récupère 1 à 2 KTAS qui contribuent à rétablir les données de croisière du livre section 5. Ceci est applicable pour tous les modèles. Plus ils sont gros, meilleur est l’écart. Au final, il faut l’avouer, un avion bien ciré possède un look d’enfer!

Sur ce sujet, une révélation précise a été personnellement observée il y a quelques années alors que j’étais à bord de mon premier planeur (PIK 20B). L’aéronef 100% composites avait été poli pour enlever une sérieuse couche d’oxydation et ensuite ciré à chaque saison. Au retour d’une journée de vol, un ami qui s’était équipé récemment du même planeur (voisins de deux numéros de série) mais n’avait pas eu le temps de « frotter sa machine ». Il s’était joint à moi pour notre plané final vers notre base à 15 milles nautiques. Aile contre aile, même planeur, même altitude, même masse, même vitesse: Il descendait nettement et graduellement par-rapport à ma situation.

Ne vous y méprenez pas: un aéronef bien ciré performera toujours mieux.

Carénages et « trous »

Revenons au Twin Comanche. Au cours de ses années de maturation même s’il passait son temps dans un hangar lorsqu’au sol, le plastique et la fibre de verre des carénages en ont pris pour leur rhume. Graduellement, ils se sont déformés laissant troublant le flot d’air. Plusieurs commandes de vol par design ont de gros espaces d’accès aux charnières et articulations. Je me suis demandé alors pourquoi ne pas couvrir de ruban adhésif blanc tous ces jours comme nous le faisons avec discipline sur les planeurs? Bêtement, 2 KTAS se sont matérialisées. 

J’en conviens, ce Twin Comanche n’a rien d’une allure conventionnelle. Mais cela fonctionne! Lors de certains arrêts techniques, des observateurs informés ne manquent pas leur chance de mentionner que je devais être un pilote planeur.

Le Twin Comanche recouvert des rubans blancs
PA-30 orné de ses rubans et réservoirs (photo de Commandant Serge Gilbert)

Les gains et les efforts ont des limites

Suite à plusieurs heures de vol et autant d’entrées de données, je puis attester avec confiance que ce PA-30 « déménage » à 6 KTAS plus rapidement que sa version originale inscrite au POH section 5.

Retirer l’équipement ancien d’un aéronef n’est pas une mince affaire. Du temps est nécessaire. L’accessibilité des composantes et les câblages est l’euphémisme du jour lorsque l’on doit s’introduire dans un fuselage toujours rétrécissant. Le moment idéal est certainement lorsque l’on doit refaire l’intérieur. Le travail n’est pas compliqué en fait. Il existe pleins de « trésors » inconnus à bord d’un avion de 60 ans!

De toute évidence le processus de réduction de trainée a ses limites. Au prix de me répéter la trainée augmente au carré de la vitesse. Chaque petit noeuds de vitesse bonifiée produira sa propre et bien mesurable quantité de trainée.

Si je voulais vraiment voler plus rapidement, J’imagine qu’il me faudrait un turbo-réacté, mais là, c’est une autre histoire.

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