Les communications

By | 2021-05-29

Rappel sonnant

Section du fuselage d'un Metroliner lourdement endommagé en vol
Structure endommagée d’un Metroliner: Solide construction malgré tout! (photo: The Aviation Herald)

La collision en vol du 12 mai 2021 entre un Metroliner et un Cirrus en approche à Centennial Airport (KAPA, 20 nm, SSO KDEN) démontre quelques points comme incroyables. Le premier est certainement que personne ne fut blessé sans parler de morts normalement attendu dans pareilles circonstances.

L’autre point qui ressort aussi clairement qu’un pouce qui vient de recevoir un solide et maladroit coup de marteau est la communication.

Évidemment il n’y a aucun rapport d’accident émis si tôt suite à un événement. Un élément qui sera certainement mis en cause sera la communication entre l’ATC et le Cirrus impliqué.

Personne ne peut en juste droit offrir une explication sur l’accident. Comme dans tous les cas de figure, personne n’était assis aux commandes des aéronefs impliqués outre les membres d’équipages concernés.

Cependant sur les enregistrements déjà publics, on peut bien entendre le « comms » entre l’ATC et le Cirrus. Le contrôleur avise le pilote du Cirrus établi en base droite pour la piste 17D que son trafic est un Metroliner en finale piste 17G. Le pilote du Cirrus confirme qu’il a le trafic en vu.

L’outil capital

Voilà, les communications ne peuvent pas être plus claires.

À l’intérieur des formations de CRM, un vaste éventail existe pour ce qui a trait aux communications. En fait, on pourrait consacrer des heures de formations strictement sur les communications et ce pas aux professionnels de relations publiques mais bien aux membres d’équipages et contrôleurs aériens.

Une définition de communication « certifiée aviation » peut se lire comme suit:  « La communication est le transfert plus ou moins efficace d’informations critiques à la sécurité d’un vol entre deux ou plusieurs intervenants. »

La qualité du message qui n’a rien à voir avec son aspect critique, dépend largement du transmetteur, du récepteur et de leur perceptions personnelles.

Pour ce qui est de l’incident de KAPA, le message critique que le contrôleur transmet au pilote du Cirrus est qu’un trafic se rapproche sur une piste parallèle. La transmission du contrôleur est nette: la radio est parfaite sans « statique », le langage est clair sans marmonnement vocal, le microphone près de la bouche et surtout dans une phraséologie standard que tout le monde reconnait. Le contrôleur ne veut pas de collision entre les deux trafics. On peut déclarer avec certitude que personne veut de collision.

La réponse du pilote du Cirrus est également claire issue d’une radio de qualité. La réponse du pilote ne peut pas être plus claire: « trafic en vue. »

Le gros bon sens indique que la « menace » indiquée (le Metroliner) va maintenant devenir une priorité à éviter. Le message critique est enregistré et sera utilisé pour maintenir un espacement sécuritaire.

C’est à ce point dans l’enquête qu’on fera le travail: 

  • Est-ce que le message  a permis au pilote de réagir convenablement
  • Est-ce que le message était perçu comme suffisamment important pour l’un ou l’autre commandant de bord?
  • Est-ce que l’un ou l’autre commandant de bord devient complaisant avec un aéronef si près? 

Une myriade de questions vont se poser avant de conclure.

Mais à la base de cet accident, les communications seront mises en jeu.

Plus près de chez nous

Une autre situation de toute évidence plus anodine au premier coup d’oeil mais à l’autre pôle s’est produite tout juste après l’événement de KAPA.  Tout près de Montréal, dans l’espace aérien de classe G, dans une zone ATF, cet instructeur s’affairait avec un élève à pratiquer des arrêts-décollers. Le trafic étant inexistant depuis 30 minutes Les comms restaient standard tout au long des circuits. La surprise fut complète lorsqu’un trafic s’est subitement annoncé en courte finale nous demandant si on allait bientôt décoller!

Chers lecteurs, si vous avez quelques émotions à exprimer, je vous comprends puisque les interjections qui passaient en tête de cet instructeur à ce moment manquaient d’élégance.

Deux extrêmes sont en jeu dans ces deux esemples. De un, des communications radio au standard mais non complètes dans leur travail. De deux, des communications presqu’inexistantes et pourtant règlementées, perçues avec raison comme un exemple flagrant de « dérogation volontaire » (voluntary non-compliance).

Nous pouvons tous relater sans doute des aventures qui se produisent dans l’espace aérien de classe G malgré nos meilleurs efforts pour les éviter.

Prenant en considération que la plupart des abordages en vol se produisent près d’un aéroport et que les communications sont souvent un facteur majeur dans les causes impliquées, il serait pertinent de mettre en évidence des éléments de gestion de vol dans ce domaine. 

L’importance capitale des communications claires et procédurales est de réduire les éléments de risques connus. Connus, car bien que le trafic aérien ne soit pas prévisible quant à son arrivée à proximité de notre « bulle » de protection, nous savons qu’il y en aura éventuellement.

Les communications sont la pierre angulaire de la gestion en poste de pilotage (CRM). Rappelons que le CRM est sans aucun doute un des meilleurs outils que la science ait introduit dans notre industrie pour réduire les accidents. Une bonne gestion du poste de pilotage entend que les communications doivent être optimisées. Déjà que certaines radios en état lamentable de fonctionnement sèment l’ambiguïté partout où elles transmettent, que des intonations phonétiques malheureusement difficiles à comprendre viennent en rajouter une couche! Oubliez la bonne phraséologie standard: c’est du « frou-frou ».

Lorsque nous évoluons dans l’espace aérien de classe C ou D, les contrôleurs aériens, pour des raisons évidentes, maintiennent toujours une phraséologie standard. De plus, si la qualité des transmissions d’un aéronef sont médiocres, ils en feront mention. Pour les contrôleurs en période pointe, de mauvaises communications seront un facteur de risque inacceptable à moins d’une situation d’urgence. 

Qu’en est-il dans l’espace aérien de classe E (VFR) ou G? Il n’est pas exagéré de faire une corrélation avec le légendaire «  Far West ».

D’abord, les interminables et essentiels rapports de position sur 126,7 sont problématiques. Bien que bienveillantes, plusieurs transmissions deviennent trop verbeuses avec des termes comme « installations » ou encore « trafic en conflit avisez X-XXXX sur 126,7 ». La lourdeur, la longueur et l’innombrable quantité de messages par un samedi matin ensoleillé font en sorte que plusieurs refusent même de garder l’écoute à leurs risques et au péril des autres. Certes, des fréquences attitrées à des secteurs ou régions aideraient à atténuer ce problème.

Est-ce si difficile de réviser les procédures?

Ensuite, l’interprétation créative de l’AIM RAC 4.5.2 est aberrante. On y traite de circuits en aérodromes non-contrôlés. De plus en plus de pilotes dans notre section du pays se rapportent approchant un aérodrome par le « côté inactif  / inactive side» . Cette appellation artistique sous-entend que le pilote se perçoit en sécurité dans un secteur de l’aérodrome qui est sans danger puisqu’il est déclaré par l’utilisateur comme inactif. Hors, il s’agit d’une position plutôt occupée puisque la plupart des aéronefs y transitent, y descendent et y manoeuvrent pour se joindre éventuellement au vent arrière. Cette position se nomme « vent debout » . La semaine dernière on remarquait quelques autres transmissions sur le « côté mort » de la piste. On repassera plus tard! Mais le plus inquiétant, c’est l’observation d’instructeurs provenant d’importantes écoles qui emploient ces phraséologies non standard sous l’écoute admirative d’élèves attentifs.

Il semble que dans bien des cas lors de discussion, la complaisance et voir même la suffisance de nos procédures viennent troubler une bonne discipline de vol.

Voler dans l’espace aérien de classe classe G devrait être sécuritaire en vertu des règlements de l’air et procédures implantées. Qui penserait transmettre avec force et détermination des communications ambiguës ou créatives en espace aérien de classe C ou D? La discipline des contrôleurs aériens nous aide beaucoup à rationaliser les procédures de communication. Le but de ce texte n’est pas de faire l’éloge de l’excellent travail des contrôleurs aériens mais bien de mettre en évidence l’apport capitale des communications dans le modèle de sécurité que nous avons créé il y a plus de trente ans. La tranche de fromage « protectrice » qui se nomme communication (modèle James Reason). En classe E ou G, le soutien des contrôleurs n’existe plus, à moins de faire appel bien entendu au suivi vol, si le temps le permet.

Far West

Nous savons tous que certains pilotes vont carrément éviter les espaces aériens contrôlés par incapacité ou peur de se soumettre aux règles de base. On peut dire qu’il est bien de respecter ses limites. Hors ces même pilotes aux capacités réduites de communication, avec tous les droits qui leurs sont conférés évoluent ailleurs. Le classe G devient donc un espèce de Far-West où les règles s’appliquent seulement lorsque commode pour l’opérateur.

Il y bien longtemps, je pensais que voler était une activité calme, relax, agréable. Nous sommes tous fiers de démontrer que l’on peut voler avec grande facilité, histoire de valoriser sa personne dans des grands salons. En s’approchant d’une aérodrome c’est tout sauf cela. Dans l’industrie nous avons acquis depuis longtemps que les procédures normalisées d’opérations sont la technique de pilotage qui est un stricte minimum pour maintenir et améliorer la sécurité opérationnelle. L’aspect agréable restera toujours présent mais oubliez le calme et le relax de l’affaire!

On a déjà une bonne quantité de risques connus à gérer en vol pourquoi en créer de nouveaux avec des communications médiocres qui nécessiterons encore plus de transmissions:

  • Illisibles: « Trafic birburmurmure GXXX groblegroble. »
  • Imprécises: « Trafic Telleplace FXXX à 30 miles en rapprochement. » 
  • Inutiles: « Trafic ABC, je vous ai en vue: vous êtes à mon 3 heures. »
  • Carrément inexistantes: «       . »

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